Dans ce premier article d’une série, nous allons rappeler le vocabulaire et les éléments de base nécessaires pour définir et expliquer une stratégie ou une tactique en régate. Pour se positionner avec précision au sein de la flotte, il faut se construire une vision verticale du terrain et les mêmes repères.
Droite et gauche
Par convention, on a définie la droite et la gauche d’un parcours par celle d’un observateur face au vent, et ce, quelle que soit la direction (upwind/downwind) des bateaux. Cela évite les confusions dans les discussions !
gauche et droite du plan d’eau
Layline et cadre
Considérons un bateau tirant laborieusement des bords dans un vent stable vers la marque A sur un plan d’eau sans courant, naviguant à son angle optimal.
La ligne qu’il va ainsi tracer depuis une marque sera nommée “layline”. À chaque marque, on peut ainsi tracer une paire de laylines dont l’angle est défini par l’angle de virement du bateau. Un bateau suivant ces lignes depuis une marque et se dirigeant vers la suivante fera donc 2 bords avec un virement là où les lignes se croisent. En traçant ces lignes pour les 2 bords possibles, on va donc tracer un cadre plus ou moins carré.
La zone délimitée par les laylines (les 4 lignes extérieures) s’appelle le cadre. Tous les bateaux “sérieux” qui remontent vers la marque sont dans ce secteur.
En effet, imaginons un autre bateau, qui à chaque longueur fait un virement vers la marque (il reste au centre).
On peut remarquer que les deux auront finalement parcouru la même distance ! À l’inverse, un bateau qui sera hors de ce cadre (« over lay-line ») aura parcouru lui, plus de distance. Les laylines sont donc définies par mon angle de remonté au vent au prés, et celui de descente au portant. Notons que ce cadre n’est pas fixe, et nous verrons plus tard quels sont les facteurs qui l’influencent et le modifient.
Astuce
règle de base :
NE PAS SORTIR DU CADRE (NE JAMAIS ÊTRE AU-DESSUS DES LAYLINES)
Ligne d’égalité et principe de la perpendiculaire
Maintenant que nous savons comment “rester dans le terrain de jeu”, le problème est de savoir quelles sont les positions relatives des bateaux les uns par rapport aux autres à l’intérieur du cadre. Cela permet de se placer par rapport à la flotte, d’anticiper les croisements, les passages de marques, etc. La réponse est donnée par le “principe de la perpendiculaire” (on pourrait parler de théorème, car on le démontre facilement) :
- Tous les bateaux qui sont, à l’intérieur du cadre, sur une même perpendiculaire au vent réel, mettront le même temps à atteindre la marque, au temps de virement près (bien sûr, il s’agit de bateaux identiques).
- Plus cette perpendiculaire est éloignée de la marque, plus l’on mettra de temps à atteindre la marque.
Principe de l’échelle
C’est un corollaire du principe précédent.
Pour comparer la position des bateaux à l’intérieur du cadre, il suffit de comparer la distance de ces perpendiculaires à la marque. On donne de ce principe l’illustration suivante : imaginons une échelle allongée suivant l’axe du vent, et dont le barreau supérieur passe par la marque. Pour savoir comment sont classés les bateaux, il suffit de compter “les barreaux” séparant les bateaux de la marque et par extension, par simple visée, de savoir où l’on en est par rapport à la flotte. Une perpendiculaire à la direction du vent réel fera l’affaire.
- Tout bateau sur un barreau plus élevé que le mien est devant
- Tout bateau sur le même barreau est à égalité
- Tout bateau sur un barreau inférieur est derrière
Tout changement dans la direction du vent va modifier cette ligne d’égalité, et par conséquent créé un gain ou une perte.
En pratique
Cette histoire de cadre, d’échelle, etc, c’est bien, mais sur l’eau, comment je fais ? Il n’y a pas tout ça, comment je visionne ça ? Le moyen le plus traditionnel, et le plus classique bien évidemment, c’est de connaître parfaitement son bateau d’avoir l’habitude et il y a quand même quelques outils pour nous aider suivant la taille du bateau et l’équipage. Plusieurs outils peuvent existent. Le premier d’entre eux est le traditionnel compas de relèvement souvent utilisé par un tacticien, le second, plus adapté à des équipages plus petits ou moins habitués, c’est ce que l’on appelle une patte d’araignée tracée sur le plat-bord : un petit schéma tracé sur le bateau qui repère les angles au vent et les angles des concurrents par rapport au centre du bateau. Bien maitrisé, ça permet en un clin d’œil de voir où l’on situe par rapport à la ligne de visée.
araignée sur plat-bord
La mise en place de cette “patte d’araignée” est relativement simple: à partir du centre du bateau, on trace 2 lignes à 45° :
- une vers le vent
- une vers la ligne d’égalité
Si on veut être plus précis on peut rajouter des lignes d’égalité pour chaque angle de remontée au près et de descente au portant. Au près, bateau au vent :
- 135° de l’axe bateau pour 45°
- 130° de l’axe bateau pour 40°
- 125° de l’axe bateau pour 35° Au près, bateau sous le vent :
- 45° pour 45°
- 50° pour 40°
- 55° pour 35° Tracer les lignes de visée de marque. Tracer les lignes d’égalité au portant :
- 100° pour 170°
- 110° pour 160°
Une fois que votre schéma est établi, vous pouvez facilement déterminer la position des concurrents et ajuster votre cap en conséquence. Cette méthode offre une vision claire de la situation sur l’eau, ce qui est essentiel pour prendre des décisions tactiques éclairées.
ici, en appliquant ce principe, rouge est devant bleu


Bien classer la flotte est, l’un des moyens d’analyse les plus utiles pour le tacticien. Toute modification du classement devient une information indispensable concernant le vent sur l’ensemble du parcours. Le champion est capable de se faire une idée très précise du classement de la flotte : il perçoit en permanence les moindres changements quantitatifs et il perçoit ces changements rapidement.
Cet article fait partie de la serie : Les Fondamentaux.
Dans la serie :
- Les bases : représentation géometrique
- Les bases : cas d'utilisations pratiques